
J’ai tout jeté
Avec les ordures le miel des abeilles
Tout aux ordures même l’arc en ciel du ciel
Je voulais faire table rase
Table rase des souvenirs, table rase du passé
J’ai tout rasé
Le bleu était pâle au dessus de la déchetterie
Un temps de grisaille
Moi pendant une semaine j’avais trié mes affaires d’une manière étrange
Je voulais tuer mes souvenirs
Tous mes souvenirs, même les bons
J’ai jeté et jeté et encore jeté
Trié
Donné, redonné et encore donné
Je répondais aux voix qui me disaient de jeter
J’obéissais
Aujourd’hui il me reste une épine dans le coeur
Juste pour les photos de mon enfance et surtout de mon adolescence
Jetées
Sans les renier pour autant
Elles sont dans mon coeur maintenant
Qu’est-ce qu’il reste une fois morts et enterrés ?
Les photos n’ont plus aucun poids
Je me concentre sur ça
Sur ma renaissance
Tant que je vis, à quoi peut servir le reste
Tout ce qu’on entasse, tout ce qu’on amasse
J’étais en plein coeur d’un délire minimaliste écolo
J’ai jeté
Ça fera un feu de paille pour les soirées d’hiver
Se souvenir de tout sauf de la douleur
Ça reste en nous, les souvenirs
A quoi bon amasser des images que l’on ne regardait jamais
Ou que l’on aimerait montrer aux autres, ces autres qui nous aime
Mais qu’on ne montre jamais
Longtemps j’ai attendu la question, la proposition de l’homme que j’aimais
Tu me montres tes photos ?
Tes photos de toi petite, puis adolescente, qui jeune adulte
Lui m’avait montré les siennes
Très tôt dans notre relation
J’aimais ce petit garçon blond aux cheveux bouclés
Cet adolescent qui franchissait l’Allier en aviron
Puis d’autres pages de sa famille, d’autres pages de lui
Je n’aurais pas dû attendre
Attendre qu’il s’intéresse
J’aurais dû lui dire : viens, tiens, on regarde mes photos
Comme je n’ai jamais eu l’audace de le faire, c’est peut-être pour ça que j’ai tout jeté
L’amour et l’identité
Pour ne retrouver que le noyau de moi-même
Le noyau avec un coeur plus léger
Personne ne pourra plus jamais me demander : montre moi de tes photos d’hier
Mais je pourrai raconter
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