
Le Monoprix du centre ville
A cette odeur de nostalgie
Mélangée à d’autres odeurs
De celles et ceux qui sont en vie
Tous les matins je pars habiter ce Monoprix
Me pendre à des rayons où je sais exactement ce que je veux
Et surtout
je ne prends rien d’autre que ce que j’ai prévu
Comme objectif clair
Un balai
Une crème pour le visage
De la nourriture pour chat
Chaque jour, la liste est courte, parfois très courte
Je croise Fabienne
Je croise Ariane
Des souvenirs me reviennent
Ces mêmes souvenirs qui font de Monoprix un objectif quotidien
C’était moi, à cette caisse
20 ans en arrière
Je sortais de nulle part et j’avais trouvé ce job
Tous les matins je m’accroche à ce souvenir
Comme pour être légitime
De me promener dans les allées complètement flippée
De parler à Ariane et Fabienne comme si de rien n’était
Ou le contraire
Je ne me souviens plus de ce que j’ai pu raconter
Ma folie baignait dans le soleil de mes yeux
Elles m’ont répondu
On a poursuivi la conversation avec Ariane
Je voulais juste dire
Je veux vivre
Je veux vivre plus que tout
Je ne rachète plus rien, j’achète pour le quotidien
Mon père me demande de prendre une viande ou un poisson
Alors j’achète une viande ou un poisson
Je fais un blocage sur la bouffe mais le défi reste entier
Le défi
Quand vivre ressemble à un défi
Il faut délier chaque journée
Il faut délier chaque obscurité
Il faut se délier soi-même
Il faut délier la honte
Se foutre de la honte
Alors je promène mon brouhaha mental dans les allées de Monoprix
Je m’achète même des fringues
Et des chaussettes
Chausser chaque jour ainsi
Y croire chaque jour ainsi
Juste pour aujourd’hui
Si l’on vous demande où je suis partie
J’étais juste à Monoprix
Occupée à délier l’amertume
Occupée à promener mon enfer personnel
Occupée à rire sur hier
Occupée à me délivrer
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