
C’est une clinique
Un asile qui n’en est pas un
J’ai cherché refuge dans un asile qui n’en était pas un
Refuge ! Refuge ! Je criais
Passée la porte, j’ai cru que j’avais gagné, j’étais enfin en lieu sûr
Mais le lieu sûr cachait d’étranges exigences
Passé la porte de ma nouvelle chambre, une fois le rituel d’entrée passé
J’ai pleuré
J’ai pleuré dans ma chambre
Puis j’ai pleuré au milieu des gens
Je me pensais enfin arrivée
Mais c’était le début d’un autre combat
Qui avait commencé avec l’entrée
Le rituel
On fouille ta valise, tes poches et le reste
Y a t-il des objets coupants
Y a t-il des objets non conformes
Y a t-il de quoi ne rien faire avec ce qu’il est prévu de faire
Le passage obligé
Cette fois là, on ne m’a pas enlevé
mes lacets
Juste avant il y a l’autre rituel de l’entrée administrative
Signer des papiers, acquiescer pour en finir
Oui, oui, oui d’accord
Est-ce qu’on peut en finir
Dans ce SAS de 2m2 où se ramassent 110 mille papiers
Signer d’autres papiers
Mutuelle, sécu, 100%, surtout la mutuelle
Sans mutuelle : tu rentres pas
L’angoisse se mue sur le rituel
Un rituel de dingue
Puis il y a comme un rite initiatique
Pour se faire accepter
Se faire accepter des patients
Se faire accepter des soignants
Les soignants font de leur mieux
Les patients font de leur mieux
Tout le monde fait de son mieux
Peut-être que c’est moi qui ai mal appris à faire de mon mieux
Pourtant si, je ne fais que ça
De mon mieux
Puis sur la vie dans cette clinique, les rituels se succèdent
Petit-déjeuner avec un choix trié sur le volet
Pain ou biscotte
Ricorée qu’on appelle café
Et noir s’il vous plait
Sans sucre
2 beurres pour 2 tranches de pain, 3 non, sauf s’il y a 3 tranches de pain
C’est millimétré, compté au cordeau
Et il n’y a pas d’exceptions aux règles
Les règles de l’asile
Du diner au petit-déjeuner
Ça fait au moins 3 heures que j’ai faim
Ou que j’attends de quoi m’occuper
A ceux et celles qui ne dorment pas la nuit, on autorise des clopes
A se griller discrètement dans différents endroits assermentés
J’ai fini par me griller mes clopes dans ma chambre
Adossée à la mince ouverture de la fenêtre anti-suicide
Dans la salle de bain, collée à la bouche d’aération
J’ai fini par me dire que c’était bien sympa tous ces endroits où l’on m’autorisait à fumer
Entre les deux portes de l’entrée
Dans la passerelle 1
Dans la passerelle 2
Mais ce jeu théâtral est mal foutu
Jardin, cour, lointain…
Je préfère de loin rester chez moi
Une chambre à soi
Puisque cette chambre est mon seul chez moi
J’ai refait toute la déco pendant 200 matins
Entre 1h et 7h30, l’heure du petit déjeuner
Que voulez-vous braves gens, lorsque je ne dors pas…
Je m’occupe
Malgré les meubles que je bougeais de place, avec les objets et tout le nécessaire à virevolter
Ça ne m’a pas empêché d’envoyer des textos de fille larguée entre 1h et 6h du matin
Comme ça pour rien
A toute ma mémoire d’amis et de famille et même de connaissances
Je voulais juste parler
Je voulais juste crier
Les soirs je ne parlais pas, c’était juste les matins, comme un espoir
Les soirs je criais seule contre les murs : suicidez-moi ! suicidez-moi !
Un jour un homme m’a prit dans ses bras et m’a dit « ça va passer »
Je suis tombée amoureuse de lui instantanément
Quelqu’un qui savait dire ça, faire ça
Me prendre dans ses bras en me disant « ça va passer », « ça va passer »
C’était vrai. C’est passé
C’était le moment le plus humain que j’ai pu vivre dans cette clinique déguisée en hôpital
J’ai vécu d’autres moments avec cet homme
La plus pure humanité qui existe
Il m’a plus soigné que les 26 000 cachets à absorber ou que les
26 000 phrases et phases des soignants qui essayaient de soigner
L’amour
C’est l’amour qui guérit quand-même
Les journées, les rituels
A heures fixes régulières, on attendait
Petit-dej en chambre
Traitement
Déjeuner en chambre
Traitement
Diner en chambre
Traitement
Coucher après le
Traitement
Il y avait différentes personnalités de soignants
Mais tous passaient avec leur petit chariot bercé de
Traitements
On ouvre la main, on prend le verre d’eau, hop, médocs en bouche, eau plate dessus
On avale
Des couleuvres bien droites
Mille fois je me suis cru au pays de la science fiction
Mille fois je me suis pincée pour me dire
C’est pas possible, c’est pas possible
Entre chaque rituel le patient est invité à s’ennuyer plus que de raison
Même pour moi qui avait perdu la raison
Il y a la salle télé
Qui est aussi la salle de jeu
Qui est en bref la salle de l’ennui
La salle de la collation
Parfois, quand même, je vous jure
On riait
Autour d’un jeu de cartes à questions sur culture générale
J’étais en berne avec le mot culture
Mais en général on riait beaucoup avec ce jeu
Ça faisait comme une récréation au milieu des journées sans fin
Les patients m’ont plus sauvée la vie que les soignants
Tout soignants confondus, ASH comprises
Les patients les plus patients de la terre
Pestant contre une logique irréelle
Je ne vous parlerai pas du psychiatre
Il faudrait 3 autre pages à décrire
Et pourquoi pas
Un jour
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