HP

HP

C’est une prison 

Une prison de cachetons, une prison du temps, une prison avec des portes qui ont des serrures, lesquelles serrures permettent aux clés de les ouvrir

Tout le monde n’a pas les clés

Parfois les clés et les serrures sont remplacées par des portes coulissantes, qui ne s’ouvrent que par mots de passe : permission, sortie administrative, autorisation de marcher dans le parc, autorisation de sortir en randonnée, accompagné.e.s

C’est une prison sans rimes

Une prison nette et froide avec dedans

Le rire héroïque des patient.e.s, parfois

L’insistance dangereuses des soignant.e.s, parfois

Une prison d’héroïnes, de craquages et de suspicion

On peut passer la main, mais juste la main, par la fenêtre anti-suicide

J’y laissais passer des volutes de fumées

Une prison de cigarettes

Il y a des codes et il y a même des codes pour acheter des cigarettes

Le mercredi, une commande in confinement par des soignant.e.s généreuses

Le mercredi post confinement, on peut marcher jusqu’à Lépaud

Pour pas un rond

Mais les poches remplis des commandes de chacun

10 km

10km sur la blancheur de l’asphalte aspirée par la neige

Les paysages vierges et blancs, d’une parure sans pareil pour oublier 

La Prison

Dans cette prison il y a une guerre des clopes, une guerre des cigarettes, une guerre des joints

Qui vendra le matos à qui

Qui remboursera

Qui a assez d’argent et qui n’en a pas

Qui tient parole et qui ne la respecte pas

Sa propre parole

Qui est innocent ?

Personne

Je te taxe une clope et je te la rendrai

Parfois, les clopes ne se rendent pas

C’est comme un crime assouvi pour rien

C’est une prison où les codes sonnent comme dans la vraie vie

Sauf que ce n’est pas la vraie vie

C’est pire que la vraie vie

Tout y est augmenté comme en 5D

Tout détail se rencontre comme une souffrance à éviter

Tout est à éviter

Le bruit des portes qui claquent

Les voix des patients qui parlent trop fort

Des soignants qui parlent trop fort

C’est une prison comme un jeu

L’entrée du game

Le jeu de la vie et de la mort

Le jeu de la vérité, des vérités

C’est un jeu dangereux auquel on est obligés de jouer

Car on vit

C’est une vie dans une chambre que l’on fait sienne

J’avais accroché au mur des cartes postales

Une par jour que m’envoyait ma mère

Ça faisait comme une escalade d’espoir

D’autres soirs pour escalader l’angoisse

C’est une prison du coeur, une prison de l’esprit, une prison de l’âme

J’ai prié si fort mon âme pour ne pas mourir

Qu’elle m’a entendue

La prison de médicaments, comme autant de drogues légales à ne pas partager

Chacun chacune sa posologie

La mienne augmentait de jours en jours, c’était impressionnant

Comme s’imprime d’étranges photos laissées en suspens

J’aurais tout donné pour passer le cap

Après avoir renié tous les médicaments, j’ai fini par les rechercher et les chercher sans fin

Leurs effets

Qu’est-ce qui pourra calmer l’angoisse ?

Qu’est-ce qui pourra me faire renaître ?

Qu’est-ce qui pourra me faire revenir à moi-même ?

Sur des larges feuilles étalées au 100% sécu, il fallait au moins deux feuilles de prescriptions

Et des discussions franches

Et des discussions à base de sous-entendu par un psychiatre sorti tout droit des livres

Dans cette prison, je me suis battue jusqu’à fendre mon corps

Il avait tout retenu dans sa mémoire

Une prison corporelle

On arrive avec qui on est, tout entier

Mais parfois, qui on est ne suffit pas

J’ai crié souvent en silence que je voulais avoir raison

Puis je l’ai chanté sur tous les toits des consultations 

Dans un mutisme souvent contraint

Par les lois de la prison

Quand ils ouvraient la cage, je faisais 1 tour de parc

Au loin le tout petit étang où des ragondins se laissaient nourrir par la population des patients

Une large vue sur la campagne, avec ses champs, puis ses vaches, puis ce calme olympien qui remplissait mon coeur

Je regardais les couchers de soleil, je regardais la terre se fondre dans le noir au coeur d’un espace-temps restreint

Je retenais ma peine et toutes mes prières

Juste être là

La nature

Le soleil qui se couche

J’oubliais le dedans là-bas, le dedans obscur de la prison

Mais il y avait toujours un moment où il fallait

Rentrer

Rentrer au bercail, moi qui n’avais plus de maison, moi qui n’avait plus de chez moi

Rentrer, se faire couper les émotions et le reste

Le reste de la parole en fuite dans la campagne creusoise

C’est une prison et la cage n’est pas dorée

C’est une prison de mots et de croyances

Pour sortir, il faut retenir toutes ses croyances

Il a y des mots de passe que je n’ai jamais compris

Il y avait même des phrases de passe

C’est une prison et le pire c’est

Que l’on peut sortir de cette prison et se sentir toujours emprisonnés

Par toute la vie que l’on a retenue dans le désordre

Par tout l’amour auquel on a cru en mode contre ordre

Une prison de vie à soi, dans une chambre à soi qui est à tout le monde

Le va et vient permanent des matinées sans lune où le personnel soignant entre et sort de votre chambre, comme ça

Pour poser le pot d’eau

Pour donner des masques

Pour le traitement

Pour le ménage

Pour le repas

Pour n’importe quelle excuse de celui qui n’a pas à se justifier

Moi et ma patience, on se justifiait

Ça ne faisait qu’empirer les choses

Ce n’est pas une chambre à soi

Malgré les cartes postales

Malgré la couleur des lampes que je filtrais

Ce n’est pas une chambre à soi, c’est une chambre d’HP, une chambre de prisonnière

Quel crime a t-on commis pour se sentir jugé.e.s en enfer ?

Il n’y a plus de chez soi, il n’y a plus de frapper avant d’entrer

Il n’y a plus que cette vague brumeuse, ma tête

Qui se jure 1000 fois par jour

Que je vais m’en sortir

Et de la prison et du carcan de prisonnière et du trop plein en dedans

J’ai juré, craché, 100 fois, 1000 fois

Aujourd’hui je ne suis plus en prison

J’écris sur la terrasse qui berce ceux que j’aime

C’est l’amour qui délivre, l’amour des siens

C’est l’amour qui n’a aucun chantage

Qui est là juste là, inconditionnel

C’est l’amour qui fait péter les barrières intérieures

Les barrages de l’esprit

Les digues enfouies

Jusqu’aux fin fond des prisons, l’amour parvient

Comme autant de notes d’espoir où chavire le délire

Liberté

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.

Créez votre propre site internet avec Webador